« Haiti can’t breathe » : Pourquoi il est urgent de dés-américaniser Ayiti

Article : « Haiti can’t breathe » : Pourquoi il est urgent de dés-américaniser Ayiti
Crédit: Micky-Love Mocombe
27 mai 2020

« Haiti can’t breathe » : Pourquoi il est urgent de dés-américaniser Ayiti

Racisme. Pillage. Ingérence. Les élites ayitiennes louent les États-Unis comme un pays-ami. Pourtant, les faits montrent tout le contraire.

« Qui rêve trop oublie de vivre », écrit Yasmina Khadra. Rêver l’émancipation ne devrait pas durer toute une vie. Il faut la vivre.

Jusqu’ici, on a l’impression qu’Ayiti est une colonie américaine. Les présidents sont nommés par les États-Unis. Oui j’écris : « nommés ». Les élections présidentielles ne sont qu’une simple théâtralisation pour masquer l’occupation. Quand le peuple résiste, ils interviennent directement. Soit en organisant des coups d’État, soit en organisant des coups d’État électoraux. 

Une colonie ! Dans un petit sondage réalisé sur Twitter, 6 internautes sur 10 partagent cette idée.

« Un peuple inférieur »

La relation entre les États-Unis et Ayiti a toujours été une relation raciste, souligne le philosophe américain Noam Chomsky. « Un peuple inférieur« , c’est ainsi que William Philipps, sous-secrétaire d’État des États-Unis au moment de la première occupation américaine, a défini les Ayitiens. 

Le secrétaire d’État américain William Jennings Bryan, quant à lui, a trouvé l’élite bien plus drôle :

« Bon Dieu, essayez de vous imaginer cela, des Nègres qui parlent français ».

Le président américain Franklin Delano Roosevelt n’était pas trop différent. En 1917, il a visité le pays. Il note dans son journal intime un commentaire, de l’un de ses compagnons de voyage :

« Cet homme [le ministre de l’Agriculture d’Ayiti, NDLR] aurait rapporté 1 500 dollars à une vente aux enchères de la Nouvelle-Orléans en 1860, pour être utilisé comme étalon ».

Quelques temps plus tard, ce commentateur est nommé principal responsable civil des forces d’occupation.

Des années ont passé, mais on a l’impression que les dirigeants américains ne changent pas leur représentation d’Ayiti et de son peuple. D’ailleurs, en janvier 2018, Donald Trump a osé dire tout haut ce que (presque) tous les autres pensent tout bas. « Pays de merde« . Nous savons tous quel organisme vit dans la merde !

Une île ayitienne confisquée

En fait, cette représentation raciste a constitué la trame de l’occupation américaine de 1915. Les Américains étaient largement plus sauvages contre les Ayitiens que les Dominicains, envahis à la même époque. Ils ont même profité de rétablir pratiquement l’esclavage, selon Chomsky ; ce que certains appellent naïvement la « Corvée ». 

Et, bien avant l’occupation, le pays a été victime de plusieurs actes d’agression des États-Unis. Exploitation. Pillage. L’exemple le plus fulgurant est le cas de La Navase. 

Ile La Navase Haïti États-Unis.
Crédit : NASA

En fait, il s’agit d’une île ayitienne confisquée par les États-Unis depuis 1857. Elle est située à 40 km de la ville de Jérémie, et mesure 5,26 km2. Cette île est un trésor, célèbre pour le guano et des espèces rares (poissons, oiseaux, insectes, etc.). L’île est inscrite dans la Constitution 1987, dans son article 8, comme faisant partie du territoire de la République.

Pourtant, cela reste sur le papier. Les Américains ont rebaptisé l’île Navassa Island. Très exploitée. Depuis décembre 1999, elle est administrée par la Fish and Wildlife Service (FWS). L’accès est interdit aux Ayitiens (aux visiteurs en général) sans l’Autorisation du Bureau du FWS à Boquerón, Porto Rico. 

Les péchés d’Ayiti

L’affaire La Navase est pourtant minable par rapport à d’autres cas de pillage des maigres ressources du pays par l’Aigle. Des réserves d’or volés au temps de l’occupation de 1915, complicité avec les élites politiques et économiques, le fond pour reconstruction après le Séisme du 12 janvier 2010 dilapidé, etc.

En bref, la domination américaine du pays est un véritable châtiment. Et les péchés d’Ayiti sont, entre autres, la couleur de la peau de son peuple, la raclée donnée à Bonaparte, son combat pour la liberté de tous les peuples, selon Eduardo Galeano.

Par conséquent, les États-Unis traitent Ayiti comme une colonie. Ils décident qui perd et qui gagne dans les élections, ils organisent des coups d’État, et ils arrivent même à « enlever » les chefs d’État les plus réticents.

Crédit : Micky-Love Mocombe

Après plus d’un siècle de domination, force est de constater que le couple États-Unis/Ayiti ne rime pas. La grande majorité de la population continue de vivre dans la crasse. L’État est absent. La démocratie n’arrive pas à se tenir. C’est une réussite totale. Oui, réussite, parce que « maintenir Ayiti dans la misère » est l’objectif des élites haïtiennes et des grandes puissances, y compris les États-Unis.

Un État voyou 

Par ailleurs, cette décennie semble être favorable à l’émancipation d’Ayiti. Robert Jervis, président de l’American Political Science Association, fait remarquer que les États-Unis sont aujourd’hui le principal État voyou aux yeux du monde. Ils terrorisent des pays et imposent des embargos, parfois, juste pour éviter d’être ridiculisés. De plus, ils ne respectent quasiment plus les lois et les traités internationaux. 

Depuis l’élection de Trump, les États-Unis abandonnent plusieurs accords importants pour l’avenir de la planète : l’Accord de Paris sur le climat, l’Accord de Vienne sur le Nucléaire iranien, le traité de sécurité « Ciel ouvert ». Ils se retirent également de l’Unesco. Et, Trump menace de quitter l’OMC, l’OMS, etc.

En effet, la crise de la Covid-19 met à nu les faiblesses du système américain. Plusieurs observateurs pensent que les États-Unis sont en train de perdre le pied sur le monde. Néanmoins, les crises passées (Krach 1929, 2008, etc.) montrent que ce pays a une grande capacité de rebond. Ce qui laisse penser qu’il faut agir vite. 

L’urgence d’agir

De son côté, en Ayiti, la pauvreté atteint son paroxysme. Les élites actuelles n’arrivent pas à porter le flambeau du développement. Selon Banque Mondiale, plus de 6 millions d’Ayitiens vivent en-dessous du seuil de pauvreté avec moins de 2,41 $ par jour. Et plus de 2.5 millions sont tombés en-dessous du seuil de pauvreté extrême, ayant moins de 1,23 $ par jour. En 2019, le PIB s’est contracté de 0,9 %. Le pays fait également face à la dépréciation de la Gourde. Le taux d’inflation est presque à 20 %. Ces chiffres traduisent l’urgence d’agir. 

Alors, pour faire face à cet État américain voyou, l’État voyou d’Ayiti doit être remplacé. La révolution. C’est, à mon avis, la condition sine qua non pour dés-américaniser Ayiti. Quelles stratégies pensez-vous qu’il faut utiliser ? Merci de me laisser une petite réponse en commentaire.

MMM

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Commentaires

Rose-Laure
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Merci pour cet article. Je pense que la jeunesse haitienne doit s'engager dans ce combat. Elle doit s'impliquer dans la politique. Il ne faut pas seulement etre spactateur.

Carly
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Je tiens à vous féliciter pour l'article, et je tiens aussi à donner mon opinion sur le sujet. Ôter le pays de cette nouvelle forme de colonisation imposée par le véritable État voyou de la planète, ne peut en aucun cas quelque chose spontanée. Il nous faut au moins encore une décennie à nous préparer afin d'y parvenir à de tel résultat. L'élite politique doit chercher à identifier le véritable ennemi afin de lutter en communion contre lui. L'appui de la Chine nous sera aussi favorable.

Micky-Love Myrtho Mocombe
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Merci de votre lecture mon frère. J'apprécie votre approche. Le cas de la Chine est délicat. Puisque nous avons des relations diplomatiques Taïwan. C'est impossible. Mais je pense effectivement qu'il faut s'approcher des pays comme Chine, Venezuela, Russie, Iran, les pays de l'Afrique...

Eduardo
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On ne peut arriver à l'objectif proposé sans se défaire de cette bourgeoisie mercantile étrangère qui n'est pas haitienne et de cet fait, n'a rein à voir avec le développement national avec les intérêts ultimes de la nation et du peuple haitien. Rien n'a été fait en Haiti par l'oncle SAM sans l'aval de cette bourgeoisie salope et apatride. Avant tout, Débarrassons-nous d'elle puis le reste sera plus facile .