Labadee, plus belle plage d’Ayiti, porte le nom d’un ancien colon très cruel
Labadee est belle. Mais elle porte la marque du système colonial. Regard sur ces lieux qui héritent des noms de colons criminels.
J’ai grandi à Cap-Haïtien. À quelques kilomètres de Labadie (ou Labadee). C’est l’une des plus belles plages de la Caraïbe. Oui, elle se trouve en Ayiti, l’un des pays les plus appauvris du monde. Nous sommes nombreux à vouloir « visiter » Labadie. C’est quasiment impossible, pour la masse. Mais pourquoi ?
Labadie est une attraction touristique privée. Elle se trouve dans un village éponyme d’une section communale de la ville du Cap-Haïtien. Depuis 1985, Labadie est louée à la compagnie américano-norvégienne Royal Caribbean International. Et, elle accueille plusieurs centaines de milliers de touristes par an. En 2019, ils étaient plus de 721 000 à profiter de cette merveille.

Il y a deux Labadie
J’ai écrit merveille ? Pardon ! Bon, c’est une très belle plage… si je peux faire confiance aux images tournées à l’intérieur. Je n’ai pas encore eu la chance de visiter Labadie (la plage privée), comme presque tous les Ayitiens de la masse. On ne connait pas les conditions d’y accéder également. Un très petit sondage sur Twitter a montré que seulement 5 % des répondants connaissent les conditions.
On ne peut que traîner dans le village, et regarder passer les croisières. Il y a deux Labadie. Une pour les blan* et les nantis ; et l’autre pour la masse.
Labadie, ce criminel
Le projet de Labadie continue, même après l’indépendance ! La postcolonie. Je ne parle pas de la plage ou du village. Je parle de ce Labadie qu’on présente simplement comme un ancien esclavagiste français.
Il faut se référer au baron De Vastey[1], pour le connaître un peu. Dans son livre Système colonial dévoilé, De Vatey présente, entre autres, certains criminels qui ont terrorisé la colonie de Saint-Domingue. D’emblée, il définit le système colonial, caricaturalement, comme « la domination des blancs, le massacre ou l’esclavage des noirs ».
Labadie est le nom de l’un de ces anciens criminels qui massacraient les Noirs. Habitant du Borgne, il faisait fouetter « ses Noirs » à mort. Et, bien souvent, il les enterrait vivants[2].

Aujourd’hui, ce nom ne peut guère faire l’honneur du « peuple » ayitien. Labadie n’est pas le seul criminel dont un lieu porte le nom. C’est le cas de la ville de Desdunes (commune du département de l’Artibonite). De Vastey rapporte que Desdunes père a fait brûler vif, successivement, 45 noirs, hommes, femmes et enfants. À la suite du père, toute l’exécrable famille Desdunes a commis des cruautés de tous genres[3].
Delmas, Bellance : sont également des noms d’anciens colons criminels[4]. Delmas enchaînait ses esclaves dans un poteau, les enterrait vivants. Bellance enchaînait et enterrait vivant également. Il taillait à mort, mettait sur les plaies ensanglantées du citron, du piment, du sel, etc.
La société ayitienne contemporaine, la masse en particulier, subit la violence symbolique exercée par ces noms de criminels. Rompre tous les liens avec la colonisation, comme le voulait Jean-Jacques Dessalines, est encore aujourd’hui une nécessité.
Ô Labadee, tu es belle ! Mais il y a du sang sur tes lettres.
MMM
Références
[1] Baron de Vastey, Le système colonial dévoilé, 1814, Cap-Henry, Chez P. Roux.
[2] Baron de Vatey, Op. cit., p. 47
[3] Baron de Vatey, Op. cit., pp. 48-49
[4] Baron de Vatey, Op. cit., p. 5
* Étranger fortuné.
Commentaires